Mercredi 14 août : jour de comparaison.

Aujourd’hui, après le petit-déjeuner, le frère Gérald m’invite à découvrir leur deuxième école. Ainsi on y va à pied, c’est aussi à 200 mètres mais dans l’autre sens de ma route habituelle. C’est l’école St Donozio, même nombre d’élève si ce n’est qu’elle est mixte. Il me présente au frère directeur et me laisse, celui-ci me présente dans une classe de P1 et après avoir éveillé la curiosité de ces nouveaux enfants qui ne me connaissent pas, je m’installe au fond de la classe.

Il leur faudra un peu de temps pour se remettre au travail. Je reprends mon observation comme pour les premiers jours, le nombre d’élèves, la salle, le matériel. J’aurai juste un peu de mal à évaluer le nombre de filles. Ici, elles ont toutes les cheveux courts. Il n’y a que la jupe de l’uniforme qui permet de les différencier, mais elles ne la portent pas toutes et là, ils sont tous assis. Quand je demanderai au directeur pourquoi elles ont les cheveux courts, la raison première n’est même pas une règle d’hygiène (poux …) comme je pensais, mais vraiment parce qu’ils veulent que tous les élèves soient pareils pour ne pas créer de jalousie. Les différentes coiffures des filles pourraient créer des problèmes. Ça se comprend même si ça doit être dur pour les filles surtout vers la fin du primaire de toujours ressembler à un garçon.

Niveau cours, je retrouve la même pédagogie, mais comme c’est toujours une école catholique privée gérée par les frères, je ne peux pas généraliser au pays. Ici aussi, ils sont une soixantaine par classe, il y a une forte discipline mais les professeurs, les font bien participer, répéter, chanter et copier.

Cours de maths puis de sciences, et c’est déjà la récré. Une enseignante m’emmène dans la salle des professeurs, et me dit grossomodo : « vous pouvez vous assoir ici et discuter avec ce professeur ! » Pourquoi pas si Monsieur est d’accord. On m’apporte un thé, et du pain, et la personne devant moi est finalement très intéressée par mon projet. On discutera plus d’une demi-heure de la France et de l’Ouganda. Il me fait rire quand il me dit par contre normalement tu repartiras avec le « pack filles », qui est constitué de 3-4 femmes pour toi puisqu’ici la polygamie est permise. Bien sûr il plaisante, ça permet de discuter des problèmes dans les deux pays.

Ensuite, c’est lui qui m’emmène dans une autre classe, ce sera la P1 B, je reste dans le même niveau, mais comme il a déjà commencé à me présenter, je ne vais pas l’interrompe. Là encore, il me fera rire, pour me présenter à eux, il dit aux élèves que je suis son dernier enfant qui vient étudier avec eux, il demande qui c’est qui veut l’avoir comme voisin, là encore les enfants très curieux lèvent tous la main, mais il insiste en disant qu’il faudra lui donner et sacrifier son repas de midi, là encore les enfants sont tous d’accord. Finalement, il arrête là, je vais m’asseoir au fond de la classe, toujours sous les yeux amusés des enfants.

Là encore, j’observe. Ce qui me surprend le plus, c’est l’affiche présentant les dangers possibles : les rasoirs, les médicaments, les poisons, les clous dans une planche, les serpents, les casseroles d’eau, les jeux sur la route, et les armes à feux, avec toujours un joli dessin un peu trop réaliste à mon goût pour leur âge. Mais j’avais déjà remarqué ce franc-parler. Sinon, avec le recul et ce que je vois aussi ici, je remarque que les professeurs en général essayent vraiment de faire leur cours à partir des connaissances des élèves, avec leur fameuse habitude de toujours mettre un trou à compléter par l’ensemble de la classe à la fin de leurs phrases. Un cours d’anglais, puis de religion, avec des chansons bien rythmées et où tous les enfants essayeront de se rapprocher de moi.

Sur l’heure de midi, on me fait visiter où est-ce que les enfants mangent, un peu la même installation que dans l’autre école, mais je remarque que des enfants aident au service, des grands gèrent le flux d’arrivée des camarades et la file d’attente, et que ici, si on n’a pas ramené de fourchette, on mange avec les mains. Je retrouve d’autres professeurs, ils m’expliquent aussi les dortoirs, 400 qui restent dormir sur 1000, dont 100 filles. On discute ensemble, c’est très sympa. Puis le directeur vient me chercher, on va manger ensemble dans la maison des frères, en chemin il m’explique deux trois points sur l’école.

Après le repas, cette fois-ci je demande à aller dans les classes des grands. Pareil pour me présenter, mon ami de tout à l’heure, ressort la même histoire, ça les fait encore plus rire et j’aime beaucoup cette fraction de seconde où dans les yeux des enfants, on voit le moment d’interrogation « mais comment c’est possible, ils sont pas de la même couleur ? », passant « à oui, c’est une blague ! » Je me retrouve au fond.

Et je suis reparti pour de dernières observations. Cours de mathématiques, ils corrigent leurs derniers examens. Toujours la même méthode, je découvre quand même sur une feuille affichée au fond leurs résultats de trimestre de la classe, qui me permettent d’évaluer leur niveau. Il y a quand même un écart important entre le 1er et le dernier, la classe n’est pas si homogène que ça arrivée en P6. Les enfants se tournent gentiment vers moi, et voudront des autographes, je refuse et donne juste mon site web à un, ils s’arrangeront pour se le passer.

L’après-midi aurait pu très bien se terminer si seulement le professeur ne m’avait pas montré une réalité qui me dérange vraiment. Dans une excitation, une élève sera prise à jouer en classe, le professeur demande à ce qu’elle vienne devant avec son camarade aussi, et qu’on aille chercher la « canne ». Il leur explique que le jour où il y a un visiteur, ils n’ont pas le droit de jouer, et qu’ils vont donner une mauvaise impression alors il leur demande de s’allonger sur le ventre sur le sol et les frappe sur les fesses à la canne à plusieurs reprises. Là, je suis complètement gêné et j’ai mal au cœur, ça n’a rien à voir avec les petits tapes de certains professeurs en Inde, ou les pincements des autres professeurs de l’école St Savio. Il le fait vraiment avec une méchanceté, et les enfants qui se tortillent sur le sol pour éviter la douleur. Je n’avais envie qu’une seule chose, c’était de lui prendre sa canne, la casser devant tout le monde et lui dire « plus jamais ». Mais, je ne suis pas là pour ça ! Et ce qui me gêne le plus dans l’histoire, c’est qu’il le fait sans scrupule devant un visiteur et prétextant que c’est la bonne méthode. Heureusement que le cours se terminait là, il fallait que je respire. Là, ce n’était pas un film, c’était du réel, et ça fait comprendre bien des choses. Ce qui est sûr c’est que ce n’est pas la bonne méthode. Maintenant, c’est plus que certain.

Je remercie les professeurs et je dis au revoir. A l’école de St Savio, c’est la récré, j’y vais pour me changer les idées et retrouver mes amis. En arrivant et passant devant la salle d’instruments ouverte, on m’explique que la semaine prochaine, il y aura un concours de groupes de musique locale. Si je peux voir quelques instruments d’ici en action, je ne demande pas mieux.

Puis, un grand m’a trouvé un ballon, il veut qu’on fasse un foot ensemble. Aller, on est parti ! On fait des équipes même si le nombre aura doublé en cours de route, et Arsenal joue contre Manchester. Malgré les dix à quinze pieds sur le même ballon, on réussi à bien s’amuser, et même si ce n’est pas trop grâce à moi, mon équipe gagnera. Mais sur la fin, ils ne suivent plus trop le match, ils préfèrent me poser des questions, et apprendre des jeux de mains et des chansons. Au final, je commence à leur apprendre le « Bougadou », je le garderai en anglais pour une fois, et tout comme moi, ça les éclate. Ça c’est vraiment bon signe pour les derniers jours. Après, je les quitte après deux-trois combats de pouce. A demain.

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