Un beau conte chinois

Le peintre Touo Lan

Au cœur de la montagne, parmi les ifs et les nuages, seuls l’œil perçant de l’aigle et le regard attentif du tigre pouvaient discerner une simple maison de bois.

 

C‘est là où vivait le peintre Touo Lan.

Le vieil homme sortait rarement, sauf pour gravir quelques sentiers dans la montagne. Parfois il s’arrêtait, fermait les yeux et écoutait.

 

De temps en temps, il descendait au village ou à la ville. Il y faisait quelques provisions au marché, puis s’asseyait sur un banc. Il restait là quelques heures, immobile et observait les gens.

Il rentrait chez lui. Il disposait sur la table ses pinceaux et ses encres, et il se mettait à dessiner sur une feuille de papier ou de soie. Son travail l’absorbait jusqu’au soir.

 

Il dessinait chaque jour 7 visages. A la fin de la semaine, il disposait 7 fois les 7 visages sur le sol. Il les contemplait longuement et secrètement se réjouissait. Ainsi s’écoulait la vie de Touo Lan dont l’harmonie avait suspendu le temps.

Or, une nuit d’hiver, il entend frapper à sa porte.

 

C’est la Mort. Elle vient chercher Touo Lan.

« Entre, dit Touo Lan. Assied-toi et patiente un peu. Je dois achever de peindre ce visage. »

La Mort, curieuse, s’approche de Touo Lan. Elle tressaille soudain, sous le pinceau du vieillard apparaît un enfant radieux, qui lui sourit. La Mort, qui n’a jamais vu la vraie beauté, est bouleversée.

 

Confuse, elle doute soudain et n’ose plus importer le vieillard. Elle s’éloigne discrètement et remonte au ciel. Elle raconte sa déconvenue au roi des cieux.

« Diable, dit Dieu. Un mortel capable d’intimider la Mort mérite d’être connu. Ramène le moi avant l’aube. »

La Mort retourne dans la nuit, qu’elle pourfend en un éclair. Déjà, elle a rejoint la cabane et elle se glisse vers le seuil. Touo Lan est là, qui guettait son retour.

« J’ai achevé mon dessin … je t’attendais. »

La Mort enveloppe doucement Touo Lan et l’emporte au palais Céleste.

 

Le roi des cieux contemple la silhouette chétive et sans ombre qui s’incline devant lui.

« Tu n’as jamais peint que des visages. Pourquoi ? »

« Parce que, répond Touo Lan, les visages sont les plus beaux paysages du monde. »

Alors le roi entraîne Touo Lan, dans un endroit où luit une lumière inconnue.

« Désormais tu vivras ici, près de la source de Vie. Tu peindras des visages. Tu en choisiras un, chaque fois qu’un enfant naîtra sur terre et tu le lui donneras. »

Tel est, tel sera jusqu’à la fin des temps, le travail de Touo Lan.

Cependant, certains esprits chuchotent que Touo Lan triche

et que parfois, il garde certains de ses plus beaux dessin pour lui …

et que le Dieux des cieux ferme les yeux.

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